Combien tu vaux ? Conversation avec Marjorie Llombart

par | Fév 21, 2017 | Créer une offre et la vendre, Entreprendre | 6 commentaires

 

 

On s’est courues après pendant 20 mois, avec Marjorie, à coup d’emails auxquels on répondait des mois plus tard, de rendez-vous qui ne pouvaient pas se fixer cause d’emploi du temps de ministre d’un côté ou de l’autre… Et puis un jour de décembre, la conversation a enfin eu lieu, et ça a été passionnant et ça m’a donné une idée : écrire cet article à 4 mains, comme celui du yoga avec Claudia

Cette fois, on a fait dans l’autre sens : j’ai écrit et Marjorie a rebondi, en italique. Voici donc notre conversation sur l’argent.

 

Être payée pour ce que l’on aime : un bonheur qui sent l’interdit

 

Être payée pour ce que l’on aime : un bonheur SANS interdit

En discutant avec Marjorie, je me suis rendue compte d’un grand paradoxe : dans ma vie salariée, je n’avais jamais eu aucun mal à demander des augmentations, des primes, des avantages. D’abord, j’avais un gros prêt étudiant à rembourser, et je me disais « je n’ai pas le choix », ensuite, je me suis rapidement dit : « si tu es nulle, les gens peuvent te virer, donc si ils ne le font pas, c’est que tu tiens la route ». Je n’avais pas beaucoup de scrupules, je me disais que le système était fait pour que les gens vraiment mauvais ne restent pas en place (je devais avoir bien bu la prose néo-libérale des cours d’économie). 

Quand j’ai lancé ma boîte, tout ça s’est effondré : d’un coup, il a fallu que je définisse qui j’étais, ce que je faisais, et comment dégager une relation monétaire de ça. Et je dois dire, ça a été un sacré parcours. Je suis reconnaissante à l’entrepreneuriat, ne serait-ce que pour ce questionnement que j’ai été obligée d’avoir, et pour mon changement de relation à l’argent et à ma valeur. 

 

L’entrepreneuriat est la voie la plus exigeante de développement personnel et spirituel selon moi. Fini les « je travaille sur moi », les bla bla bla plein de bonnes intentions mais qui restent à un niveau éthéré. Ca passe dans le concret, ou ça casse.

Ton exemple est atypique Laure car de ma propre expérience, j’ai souvent vu l’inverse.

Moi, quand j’étais salariée, j’étais incapable de demander une augmentation (enfin je l’ai fait une fois, en me préparant pendant des jours et en étant paniquée à l’idée de devoir le faire). En entretien d’embauche, j’étais hyper nulle pour mes « prétentions salariales ». Du coup je répondais le SMIC limite en m’excusant.

Autant te dire que quand j’ai décidé de me mettre à mon compte, j’ai rapidement compris que j’avais intérêt à changer le modèle sinon ça ne le ferait pas. Je partais donc de 0 et ne pouvais qu’améliorer ma relation à l’argent !

En revanche le processus de questionnement sur la valeur de ton action et de toi-même, cette réflexion est inhérente à chaque entrepreneur. Impossible de passer à côté.

 

Le prix : une équation à quatre entrées

 

Ce qui revient souvent chez les Aventurières, et je suis sûre chez toi aussi, c’est cette histoire de prix. Comment fixer de « bons prix » et qu’est-ce que le prix juste : pour soi, pour les clients, et par rapport à ce qu’on offre. 

Je me suis rendue compte en travaillant dessus que le prix n’est rien. On dit souvent que l’argent n’a pas d’odeur, mais clairement les prix ont une énergie. Il y a des prix élevés qui sentent le désespoir : « Si je ne gagne pas ça, je ne vaux pas assez ». Des prix bas qui sentent l’abondance « Je veux répandre mon message le plus loin possible, et être généreuse dans cette offre ». Il y a des services équivalents sur le papier qui se vendent à des prix qui vont du simple au fois 10 ou plus. 

 

Tu as tout à fait raison Laure. Le prix n’est rien. Un prix, un tarif ne veut rien dire. Le même produit ou service pourrait se vendre avec un zéro de plus ou de moins. C’est ce qui peut rendre la fixation des prix difficile.

Je dirais même que la valeur est plus dans la personne qui achète. Ce que je veux dire c’est que si un service vaut 5.000€ et qu’un autre service comparable est à 10.000€, la différence peut résider chez l’acheteur plus que chez le prestataire. Que veut chercher à obtenir la personne qui préfère payer le service le plus cher ?

 

Il n’y a pas de « bon » prix dans l’absolu. En revanche, il y a des prix « justes », c’est-a-dire qu’on les ressent justes pour soi d’abord (ils correspondent à ce qui nous semble juste en terme de niveau d’expérience, de temps passé à produire, de plaisir qu’on a, de la valeur que le service apporte etc), puis justes pour les personnes qui vont recevoir l’objet du prix.

Si on veut essayer de rationnaliser, on peut dire qu’un tarif est la résultante d’une équation à 4 entrées : bonnes personnes, bon service, bon feeling, amour :

 

  • la bonne personne (prestataire) pour le bon client
  • le bon service = ce que propose le prestataire matche parfaitement avec le besoin du client
  • le bon feeling : j’aime rajouter cette dimension car selon moi, l’acte d’achat est avant tout la concrétisation d’une rencontre. Et toute bonne rencontre est faite de feeling et…
  • l’amour : si la valeur d’un service ou d’un produit ne reflète pas la valeur intrinsèque de la personne, un tarif est intimement lié à la valeur que cette personne s’accorde. Dit autrement, plus l’estime d’une personne pour elle-même est basse, plus ses tarifs risquent d’être sous-évalués

 

 

De mon côté j’ai remarqué que mon rapport à mes prix changeaient tout dans le rapport à mes clientes. Quand je ne les assumais pas, les clients ne venaient pas du tout.

Absolument. Cela est lié à la dimension énergétique de l’argent. En communication, on parle du langage non-verbal. On peut faire un parallèle avec l’argent. L’argent a aussi un langage, un vocabulaire, des codes et également un langage non-verbal.

 

Energétiquement, quand tu n’assumais pas tes prix car ils étaient trop hauts, il y avait un décalage entre le montant numéraire et l’énergie que tu renvoyais auprès de tes clientes. Ce n’était pas explicite bien sûr, mais quelque chose de désaligné était perçu par tes clientes potentielles qui du coup, n’achetaient pas.

Le pire, c’est qu’à ce moment là, mes tarifs étaient ‘trop’ bas pour me permettre de vivre et de mener les Aventurières comme j’en ai envie. Dès que j’ai commencé à accepter la valeur de ce que je faisais, l’argent a commencé à venir. J’admire beaucoup les personnes pour qui l’argent n’est qu’une donnée, et qui ne s’en préoccupent pas plus. Je ne suis pas encore là, mais j’y travaille. 

 

L’argent est un work in progress permanent. On n’est jamais arrivé. Ce n’est qu’un chemin de pratique et d’entraînement 

Et puis de toute façon, il FAUT continuer de s’en préoccuper, de lui accorder du temps. Sinon tu te prives d’une énergie fondamentale. Et tu retournes dans une relation à l’argent déséquilibrée.

 

Les clients n’achètent jamais ce que tu penses

 

En travaillant sur la Signature Emotionnelle, je suis allée faire une plongée dans le monde des émotions et du marketing « émotionnel ». Toutes mes lectures m’ont amenées à ce point où je réalise que les gens n’achètent pas un objet, ni un service, ni même eux-même comme on se le dit souvent : ils achètent une énergie. Ils achètent la façon dont ils vont se sentir ou dont ils ont envie de se sentir. J’ai longtemps pensé qu’on achetait des expériences plus que des choses, mais je me suis rendue compte en creusant que c’est encore plus profond : j’achète une sensation, un univers. 

C’est pour ça qu’il est important d’assumer haut et fort ton univers émotionnel et tes prix : parce que tu n’attires que des gens qui sont déjà acheteurs. Ils sont déjà dans cette énergie qui recherche la tienne, et votre travail ensemble ne peut qu’être cosmiquement agréable. Les bonnes relations clients sont des collaborations. Il n’y a pas d’acheteur et d’acheté, il y a la rencontre entre des personnes qui vont faire quelque chose ensemble. 

 

Exactement. J’en parle plus haut avec le point sur la relation et l’amour qui existe dans les relations de clientèle. Pour moi on est dans la dimension énergétique de la relation, de l’argent, de la vie quoi. On parle peut-être de la même chose au fond. Toi tu t’es basée sur les référentiels de l’expérience achetée, puis celui de l’émotion et enfin l’univers ; pour ma part, j’emploie le mot énergétique pour parler de cette relation spéciale qui s’établit lorsqu’une transaction a lieu. C’est une connexion énergétique, de personnes qui vibrent sur la même fréquence et qui partagent la même énergie.

Quelle que soit la terminologie qu’on emploie, on se rejoint en tous les cas sur cette dimension profonde de la relation client, de la collaboration qui s’instaure.

 

Le cycle d’énergie de l’argent : donner, recevoir, garder

 

Marjorie, pendant notre échange, tu parlais des trois grands pôles de notre relation à l’argent : donner, recevoir, garder. Je travaille presque exclusivement avec des femmes – comme toi – et je vois se répéter ce schéma à l’infini : une envie d’aider au point de s’oublier. Le don de soi est tellement valorisé chez les femmes, que l’on oublie de commencer par soi. Pourtant c’est la seule façon d’avoir un impact positif d’après moi. Je change autant le monde quand je suis en cours de yoga et que ma respiration devient régulière, paisible ; que quand je suis en séance de formation avec des Aventurières. 

 

Oui d’ailleurs cette situation m’énerve beaucoup. Quand je vois tout le travail de rééducation qu’il y a à faire pour dire aux femmes qu’elles ne sont pas de mauvaises filles/mères/épouses/etc si elles ont envie de se donner les moyens de réussir leur activité ET de gagner leur vie avec. Ce qui me fait penser que je ne suis pas très patientes et je ne suis donc pas la meilleure personne pour aider ces comportements-là.

Et en effet, aller à sa séance de yoga, faire ses respirations le matin, aller nager le soir ou faire une pause coloriage de 30mn dans sa journée de travail sont aussi essentiels que rédiger son prochain article ou faire sa comptabilité. C’est ce qu’on appelle le travail sur l’Être, qui est aussi important que le FAIRE, et que j’apprends à mes clientes. Pour Faire, il faut d’abord Être. Et ensuite seulement, on peut Recevoir (c’est mon tryptique  ). D’ailleurs Mesdames, une question à 10.000€ pour vous : êtes-vous VRAIMENT prêtes à recevoir de l’argent/beaucoup d’argent/des clients/beaucoup de clients/de la réussite ?

 

C’est un équilibre qui, comme tout, est constamment en train de se faire et de se défaire. Mais il y a vraiment quelque chose à faire de ce côté là. Ça me rappelle ces discussions inutile où les uns disent « j’ai tout sacrifié pour toi ». La réponse spontanée de la personne en face « Je ne t’ai rien demandé ». Et c’est vrai. On a tendance à valoriser le côté mère sacrificielle, que ce soit dans les bouquins ou la culture (c’est toi que je regarde Hunger Games), mais ça nourrit cette tendance à s’oublier « pour » l’autre, au lieu de créer des cycles plus sains autour des trois pôles dont tu parles. 

 

Oui il y a une empreinte issue de la nuit des temps et de l’inconscient collectif qui a imprégné notre culture autour de la mère sacrificielle qui est toujours d’actualité en effet. C’est un travail de tous les jours pour ne pas rester prisonnière de ce schéma. Rome ne s’est pas faite un jour, ce déconditionnement non plus. Mais y porter de l’attention au quotidien peut être un bon point départ. Porter de l’attention sur sa capacité à donner, recevoir et garder. Et développer une intention d’apprendre à équilibrer les 3.

 

L’abondance, c’est quoi ? 

 

Pour moi, le but derrière cette discussion – comme toujours – c’est de passer d’un réflexe de peur à un réflexe d’amour : de la rareté à l’abondance.

Heuh… c’est toi qui a dit ça ? J’ai l’impression de m’entendre là 

Rien que notre réaction à ce mot nous en dit beaucoup sur nous : est-ce qu’on considère l’abondance comme un péché, ou comme un bienfait ? Est-ce qu’on pense spontanément que l’abondance ça ne doit pas être un objectif, que c’est un synonyme d’oisiveté et d’angoisse, ou est-ce qu’on voit l’abondance comme un flux, une vision du monde plus qu’un chiffre sur un compte en banque. 

 

En ce moment, je n’aime pas trop ce mot « abondance ». Pourtant, je n’en ai pas trouvé de meilleur donc je continue à l’employer. Je ne l’aime pas trop en ce moment car il sonne un peu trop new age et éthéré, qu’on le voit à toutes les sauces sur le net et qu’on trouve plein de formations miraculeuses sur cette dame Abondance.

Ce que je n’aime pas non plus, c’est que certaines personnes le prennent comme excuse pour dire « oui mais moi je n’ai pas besoin d’argent, je suis dans l’abondance ». C’est prendre le problème à l’envers selon moi.

Mais je digresse et ne réponds pas à ta question !

 

L’abondance est le signe que je suis dans l’amour : ce n’est pas une question matérielle, c’est une question de regard. L’abondance est dans mes yeux : abondance de temps, de rencontres, de moyens de me réaliser, de lectures, de bien-être… 

 

Pour moi, l’abondance c’est Être assez (d’abord) et Avoir assez (ensuite). Assez de quoi ? Tout ce que tu as dis : argent, temps, amis, amour. Mais en avoir assez pour nos projets, donc pour un but précis (ce qui veut dire que l’on sait pourquoi on veut ci ou ça). Passez du trop ou du trop peu, à l’assez ; tout en ayant conscience que l’abondance est de toute façon illimitée.

 

Qui sommes-nous ?

Marjorie est spécialiste de l’accompagnement en reconversion et solo-entreprise. Elle travaille avec des femmes et adore les parcours atypiques, retrouve la sur son site : Dessine moi une carrière.

Laure est la fondatrice des Aventurières, elle accompagne les femmes entrepreneures à libérer leur génie et créer des boîtes qui déboîtent.

 

Partage cet article à une Aventurière :

6 Commentaires

  1. Super article, les filles, j’adore!
    Ah… l’empreinte issue de la nuit des temps et de l’inconscient collectif, oui, c’est vrai, on a ce poids-là mais il ne faut oublier que la masculinisatin du français (y compris des noms de métiers réputés « pas faits pour les femmes »!) n’est pas si vieux que ça alimente cette difficulté qu’ont les femmes a accepter qu’elles aussi ont le droit (et le devoir!) de créer des entreprises qui cartonnent! Et vous êtes là pour nous le rappeler, merci pour cela et pour le reste 😉

    Réponse
    • C’est un vrai bordel cet héritage… Tu sais que jusqu’en 65 en France, les femmes n’avaient pas droit à un compte en banque ou un chéquier sans autorisation de leur mari. On revient de loin en matière de déresponsabilisation des femmes à leurs propres ressources. C’est pour ça qu’aujourd’hui c’est si important qu’on revienne sur ce terrain. Notre liberté passe aussi par ça, comme dit Elizabeth Gilbert, il n’y a pas plus meurtrier pour la créativité que l’angoisse financière. On sait ce qui nous reste à faire 🙂

      Réponse
      • Oh oui je sais tout ça, difficilement imaginable et pourtant ???? Allez on y croit!

        Réponse
        • 😀

          Réponse
  2. bravo et merci c’est du tout bon !!!

    Réponse
    • Merci pour ton message Françoise!

      Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Reçois ton guide "Libérez votre génie de l'Open Space"

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Reçois la série "Trouver la bonne idée"

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Effets secondaires notoires : tu vas parler de ce que tu fais avec une confiance inébranlable et attirer des clients parfaits.

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Recevoir les étapes clés du Plan de Conquête de l'Univers

You have Successfully Subscribed!

Recevoir les étapes clés du Plan de Conquête de l'Univers

You have Successfully Subscribed!