Plus j’avance dans mon travail, plus je joue avec le corps. J’adore voir la tête hébétée des clients quand je leur dis “Qu’est-ce que ton corps sait de ça ?”, et écouter les réponses inattendues qui sortent. Observer les corps se détendre, revenir dans la pièce, la température baisser de quelques degrés quand les cerveaux arrêtent de résoudre l’équation de la vie et d’essayer d’avoir l’air intelligents.

Depuis quelques mois je suis de plus en plus passionnée par ce travail de posture que je fais avec des managers, d’autres coaches, des formatrices. J’ai envie d’aller explorer la posture et l’épanouissement avec des professionnels de la santé, de l’art, de l’enseignement. En fait c’est le feu en moi : je me sens nourrie, portée, à ma place tout en étant ouverte à ce que je découvre. Je sais que je veux accompagner ces métiers de l’humain dans ce travail de posture et épanouissement. J’ai une vision : accompagner des personnes qui rayonnent et essaiment ensuite vers leurs clients, leurs équipes, leurs patients, leurs élèves. Comme une onde de joie, un courant d’air d’amour qui se diffuse dans leur pratique.

Pour faire ce travail, l’une des premières étapes est d’apprendre à revenir à soi. La posture que j’aide à travailler, ce n’est pas une posture parfaite ou idéale, c’est la posture qui te va. Celle qui te permet d’être pleinement là et de construire des relations basées sur l’épanouissement de chacun plutôt que sur des jeux de pouvoir et de manipulation parce que personne n’est bien dans son slip. Créer un jeu où tout le monde gagne.

Se reconnecter à soi, c’est un travail exigent, voire inconfortable. Notre société est une machine à créer de l’oubli de soi. On construit tout à l’image de cette fuite : les couples, les équipes, le divertissement, etc. On ne sait pas comment créer des relations gagnantes, alors par défaut, on fait ce qu’on connaît : on s’oublie et on avance comme on peut en se disant que c’est déjà pas mal.

Comment peut-on proposer du soin ou de l’accompagnement et même du management quand on ne sait pas s’écouter ? Quand on n’est pas capable de prendre le risque de se rencontrer soi-même ? On ne fait que creuser la déconnexion chez soi, et proposer la même chose à ceux qui nous entourent, parce qu’une grosse partie de notre énergie va être mise à éviter ce qui est trop inconfortable. Je ne dis pas que ça ne peut pas donner des résultats, mais que si on regarde au delà des apparences, on voit que ça réussit d’un côté et crée de la souffrance de l’autre. Il n’y a pas de vraie transformation.

J’ai écrit le texte qui suit après une séance de coaching avec une cliente, qui a rouvert la porte à son corps après 6 ans à lui tourner le dos. Il parle d’elle, mais aussi de moi, quand j’ai découvert à 29 ans que je ne m’étais jamais vraiment écoutée, et de cette invitation à regarder autrement, à inviter la curiosité dans sa vie. Quand j’étais jeune, j’écoutais mes idées sur la vie, pas la vie en moi. Tu m’étonnes que j’arrêtais pas de changer de carrière et que je désespérais de me sentir un jour bien dans mes baskets…

Dis moi si ça te parle, j’adore recevoir vos réponses 🙂

Bonne semaine,

Laure

Comment s’oublier :

Commence par les émotions négatives, c’est le plus simple. Emballe les dans des couches de mise à distance, d’analyse, d’histoires. Entraîne toi à les nier, à ne pas les ressentir parce qu’au final, ça sert à rien ces trucs là non ? Quand elles s’imposent à toi, mets les sous cloches. Fuis, ou minimise les. Si tu ne peux vraiment plus les contrôler, pas d’inquiétude il y a sûrement un médicament pour ça.

Continue avec les sensations physiques. Ne les écoute que quand elles t’envoient chez le médecin, et hâte toi de prendre tous les anti-douleurs que tu peux pour éteindre les signaux. Pas de message, pas de problème.

Fais du sport seulement pour atteindre des objectifs que tu t’es fixés dans ta tête. Suis des instructions mais surtout pas ton corps. “Vide toi la tête” par l’épuisement, avec un peu de chance tu auras même de beaux abdos.

Mange sans y penser, en faisant autre chose. Compte tes calories, tes points, ou fie toi à la sagesse populaire et à la mode du moment.

Pour éviter toute tentation d’écoute, submerge toi dans les activités et les tâches. Ne laisse aucun espace de silence ou de rien. Le numérique va t’y aider : dès que tu es en inaction, prends ton téléphone, joue, regarde un film, lis, parle à quelqu’un. Ne laisse pas le vide s’installer, tu risquerais de t’y trouver.

Occupe toi des autres, surtout tes proches : passionne toi pour leur vie, dis toi que tu ne peux pas vraiment vivre la tienne tant que tu ne les as pas aidés à vivre la leur correctement. Pour les aider, juge les, dis leur ce qu’ils devraient faire, et comment. Sois triste pour eux, aie de l’espoir pour eux. Réponds toujours présente à l’appel, sois cette personne qui ne dit jamais non et qui n’en fait jamais assez. Plus tu vis leur vie à leur place, moins tu risques de ressentir ce qui se passe vraiment dans la tienne.

Pour approfondir le travail, multiplie les sources d’information. Apprends à raconter la vie, à avoir une opinion sur tout, surtout sur toi-même. Dès que possible, juge ce qui se passe et crois-y à fond.

Si tu as un goût pour le passé et la culpabilité, ressasse régulièrement l’histoire de ta vie pour la rendre plus réelle et faire adhérer les autres. Si tu as un goût pour l’angoisse et le futur, multiplie les conversations sur tout ce que tu ne maîtrises pas et qui va sans doute arriver et te mettre dans une situation impossible. Ne reste pas dans le présent, ne reviens pas goûter la fraîcheur de l’air, écouter le bruit de la nature qui se faufile partout, sentir la solidité du sol sous ton corps.

Ne t’observe pas, ne laisse pas de place à l’inconnu. Prends les points de vue des autres et utilise les pour mettre encore plus de distance avec la réalité : faites des débats sans fin avec tes proches et les gens que tu côtoies.

Sois curieuse de tout sauf de ce que tu veux vraiment. Dis toi que les désirs, c’est pour les égoïstes et les enfants. Fais ce qu’on attend de toi, multiplie les règles, les “il faut”, les “c’est comme ça”. En cas de doute ou d’amertume, cherche le coupable : c’est probablement la faute des autres, de la météo, des gouvernements ou de la conjoncture. Le monde est fou, mais heureusement toi tu gardes la tête sur les épaules.

Et puis, un jour, si tu réalises que tu ne sais plus ce que tu aimes, que ta vie a le goût d’un carton mâchonné, que tu as la trouille de prendre le moindre risque, va chercher cette petite feuille tremblotante en toi. Celle qui depuis tout ce temps, se demande si, vraiment, “c’est ça, la vie ?”. Approche toi tranquillement, sans hâte.

Soulève la feuille.

Derrière, il y a un robinet.

“Intensité”

Peut-être qu’il y coule encore un filet, peut-être qu’il semble asséché.

Tourne le.

Ta tête va te dire que c’est de la folie, que tu vas te noyer, mais tu n’es pas obligée de l’écouter.

Si tu le laisses, ce robinet va déverser des torrents, des cascades.

Ça ressemble à une inondation.

Le corps se remet à parler.

Ce qui était enfoui peut remonter.

Les désirs, les désespoirs, les rêves, les cauchemars

L’amour, pas où tu l’attendais

La beauté dans un moment sombre

Le sens, enfin, caché dans le quotidien

C’est trop flippant.

Ça a l’air compliqué.

Mais pas autant qu’une vie en carton mâché.