Les premières questions
Pourquoi est-ce que je sors mon téléphone par réflexe, en plein milieu de ce repas ? Tiens, maintenant qu’il est dans ma main, j’ai envie d’aller jeter un coup d’oeil rapide. Facebook, Twitter, un petit tour sur Instagram.
Est-ce qu’il y a des notifications ? Qu’est-ce qui se passe dans le groupe, est-ce que je peux aller répondre au commentaire de quelqu’un ? Ça ne prendra que quelques minutes, et puis de toutes façons on attend nos verres.
Malaise
C’est quoi ce sentiment diffus de malaise quand je viens d’aller faire un tour sur les réseaux ? Pourquoi j’arrive parfaitement à m’en passer dès que je suis en vacances, mais quand je suis stressée, j’y vais toutes les 3 minutes alors que ça me fait perdre du temps ? Est-ce que les réseaux sociaux m’aident vraiment pour mon business ou est-ce que c’est moi qui suis le dindon dans cette histoire ? Qui nourrit qui ?
En rentrant de vacances, la décision est prise : je désactive mes pages Facebook, Twitter, Instagram. Instantanément, je me sens légère (j’ai gardé les groupes Facebook de l’anti-école et des Aventurières pour le moment mais je réfléchis sérieusement à des alternatives).
On est à une époque où ça semble incontournable pour une entreprise d’avoir une présence sur les réseaux sociaux. Après tout, n’est-ce pas comme ça qu’on mesure notre « influence » ? Pourquoi choisir de quitter un outil de communication aussi fantastique et gratuit ?
. Je veux créer des petits miracles, pas des usines à likes
Il y a cette phrase d’Alexandra Franzen qui m’a beaucoup fait réfléchir : « Ne créez pas des produits, créez des petits miracles, ou des grands, tous les jours ».
Les petits miracles, pour moi, ce sont les Love Notes. J’adore les écrire, les envoyer, me creuser la tête et partir dans les tréfonds d’internet pour aller chercher des mots qui commencent par R ou D et que je n’aurais pas encore utilisés.
Les Love Notes sont des petits miracles. Mes articles sont des petits miracles. Tout ce que je crée et vends sur ce site sont des petits miracles. Parce que je les crée par envie, pas pour me dire « ah j’ai rien posté aujourd’hui, il me faut quelque chose ».
Facebook n’est pas un petit miracle, parce que ce n’est pas un endroit où on est respectueux du temps et de l’espace des autres. C’est un endroit où il faut poster, poster, poster pour être là, dans la face de tout le monde. « Après tout si ça ne les intéresse pas, ils zappent ».
Ça rappelle les pires heures de la télévision. Où il n’y a rien de bien alors tu zappes de truc bof en truc bof et tu finis par t’y faire prendre. Est-ce qu’on s’est vraiment libérer de la télévision pour aller donner tout notre temps à nos téléphones ? Est-ce qu’en tant qu’entreprise, on doit aller « acheter du temps de cerveau » en newsfeed plutôt qu’en temps d’écran ? Non merci.
Quand j’écris une Love Note, j’ai conscience de partir dans la messagerie des gens, à côté d’un mail de chéri-e qui a confirmé la réservation au resto. C’est un endroit intime, une boîte mail. Je ressens beaucoup de gratitude pour les personnes qui s’abonnent à mes Love Notes parce qu’elles m’accordent un temps dans leur journée. Je ne veux pas être là par accident dans un fil d’actualité. Je veux être là parce qu’on s’est choisis. Parce que tu peux envoyer cette Love Note à quelqu’un et propager le Loooove. Ou cliquer sur répondre et discuter avec moi (mon temps de réponse est calamiteux mais j’y travaille. Je lis tout et j’adore recevoir des mails).
Ce sont ces petits miracles qui font les Aventurières.
. Je ne veux plus de cet esprit de compétition
J’ai mis longtemps à comprendre pourquoi je me sentais mal après avoir regardé un fil d’actualité pendant des heures. Je crois que cet étalage me met mal à l’aise, toute cette mise en scène de moments choisis. Une maman se sent pourrie : elle a du ketchup dans les cheveux, elle vient de dire « PUTAIN MAIS c’est pas possible ! » à ses enfants qu’elle s’était promis d’élever sans crier, et la dernière la regarde avec un grand sourire tout en jetant consciencieusement tous ses jouets par terre. Elle se connecte et tombe sur les photos angéliques et le message « vie parfaite » d’une autre. Elle pleure.
Une entrepreneure galère à trouver des clients ce mois-ci. D’ailleurs ça fait plusieurs mois que ça dure. Elle va sur un groupe d’entrepreneures pour trouver du soutien, mais en chemin, elle tombe sur une pub qui vante « Faites comme moi et gagnez 10.000 euros par jour en dormant ». Elle se dit qu’elle ne doit pas avoir le sens du business, que ce n’est pas pour elle. Elle jette l’éponge.
C’est ce sentiment de comparaison et d’échec qui alimente les trolls, les messagers frustrés et assassins. Parfois, quand je me laisse aller à lire les commentaires, je vois tellement de colère, tellement de confrontation et si peu de dialogue. Ça ne peut pas être la bonne voie.
Tu ne sais rien de ce qui se passe derrière la photo, le post angélique ou la vidéo « plus vraie que nature ». Mais tu as beau te dire que c’est du faux, ça n’empêche pas de se sentir comme un caca moisi par moment, juste parce que tu passes du temps à regarder des photos montées sans plus pouvoir dire où s’arrête ta propre incompétence et où commence le photoshop.
J’ai beau prêcher l’esprit de collaboration et me l’appliquer le plus souvent possible, il y a aussi des jours où, quand je viens de passer une journée ignoble et que je vois une collègue qui déchire tout, je suis contente pour elle et fâchée pour moi en même temps. Les réseaux me donnent cette impression qu’on est de retour à l’école, qu’on se met en compétition. On publie des photos et des succès comme des bons points, on montre ce qu’on veut. On laisse rarement voir l’envers du décor. Combien d’entre nous « likent » des posts tout en se sentant mal au fond ?
. Des échecs sublimés
Qu’est-ce qu’on poste quand on y est ? Qu’est-ce qu’on documente ?
Une version en instantanés choisis de la vie. Une version qui colle avec l’image que l’on veut donner. De nous, de notre boîte, de nos réussites. Même nos échecs y sont stylisés. Passe moi donc un filtre sur ces larmes, Josette, je veux avoir la nostalgie photogénique. Choisis bien les mots chocs pour parler de ta souffrance Aya, ça fera plus de partages et de likes. Et les partages et les likes, c’est bien non ?
. La tyrannie du like
Je ne sais pas en fait, si c’est bien. J’ai écrit des articles dans lesquels j’ai mis beaucoup d’attention, pour lesquels j’ai pris beaucoup de plaisir, qui ont eu un très faible écho. Est-ce que ces articles sont nuls ? Non. Je ne sais pas si dans ces 3 likes, il y a une personne qui a été bouleversée, et qui a pris une décision grâce à ce que j’ai écrit. Est-ce que ça ne valait pas le coup de les écrire ? Non plus. Je n’écris pas pour les likes, j’écris parce que j’ai envie de partager, parce que je travaille mon ton, pour créer des petits miracles.
A toi qui t’es déjà demandée : est-ce que je suis nulle si on ne me retweete pas ? La réponse est non. Aucun test, et certainement aucun tweet ne détermine la valeur de qui que ce soit.
Les réseaux peuvent nous pointer dans la mauvaise direction, vers la réussite immédiate, alors que le plus important, c’est d’apprécier le boulot quotidien. Si tu n’apprécies que le résultat, la joie est vraiment de courte durée. Comme dit le coach de basketball John Wooden : « La soi-disant importance d’un match en particulier n’ajoute pas forcément à la satisfaction que je prends à préparer pour la rencontre. C’est le chemin que je valorise avant tout. (…)Tu dois réaliser qu’un objectif n’est que le produit de tout le travail et la réflexion que tu fais au long du chemin – la préparation. C’est dans la préparation que se trouve le succès. ».
. Faire les choses pour soi ? Ou pour les montrer ?
Il y a quelques années, j’avais décidé de me mettre au sport. Je ne me souviens même pas du déclencheur, mais un jour, me voilà au guichet de la salle de gym, au -1, à m’inscrire. Ça aurait pu se terminer comme beaucoup d’inscriptions à la gym (1 mois à suer sur les machines 6 mois à se convaincre qu’on va y retourner) mais non, un jour sur deux, une répugnante goutte de sueur à la fois, je recommence à discuter avec mon corps. On n’est pas toujours d’accord lui et moi, mais on bosse ensemble. Ça prend des mois, un jour à la fois, j’ai de plus en plus d’énergie, j’abandonne la salle pour faire du sport chez moi tous les matins. Un an plus tard, on m’offre des vêtements de sport à mon anniversaire, et je réalise « Ouah, je suis devenue une personne sportive ».
Certes, j’ai adoré guetter l’apparition d’une ligne d’abdo sur mon ventre, mais j’ai surtout appris à aimer chaque entraînement, chaque petit pas.
Oui, les petits pas pourraient être publiés sur les réseaux sociaux, ça ferait même un splendide sujet de vidéos ou posts quotidiens. Mais ça transforme une quête personnelle en quelque chose de très différent. On ne peut pas « faire les choses pour soi » et guetter les likes sur un post. S’appuyer sur la motivation extérieure, la pression sociale, etc… c’est continuer à attendre des autres qu’ils nous disent quoi faire. A la fin, est-ce que tu fais ce sport pour toi ? Ou pour entretenir l’image que tu as créée ?
Aujourd’hui, avec les Aventurières, j’ai deux quêtes : je veux développer mon écriture, sortir de ma zone de confort, raconter des histoires, écrire, écrire, écrire. Et puis je veux développer cette entreprise. Apprendre comment ça marche, me prendre des gamelles, me relever, affiner, enseigner ce que j’apprends et ne jamais cesser d’apprendre. Je veux faire ça parce que c’est mon plaisir, pas parce que c’est une usine à likes.
. Être là
J’en ai parlé au début de cet article, et je suis loin d’être la première à avoir fait ce constat, les réseaux sociaux ont quelque chose de très proche de la clope. Ils génèrent un stress que tu vas ensuite tenter de juguler en les consommant à nouveau. En vacances, je me fous de savoir si le moment est « instagrammable », je veux être là. Je veux prendre des photos pour le souvenir, pas pour l’étaler.
A l’inverse, je me suis vue dans des périodes de stress, à essayer de faire une pause en allant sur les réseaux. Spoiler alert : ça ne fonctionne pas.
Je veux être là, pas étouffer (dans) mon stress.
Peut-on réussir sans les réseaux sociaux ?
C’est ironique, parce qu’on m’a souvent posé la question (la réponse est : oui, bien sûr, sans hésiter), mais je n’y étais pas confrontée aussi personnellement que maintenant. Dès que j’ai décidé de désactiver les réseaux, je me suis demandée quel risque je prenais. En fait, les réseaux m’ont pris beaucoup de temps et m’ont apporté très peu de personnes sur les Love Notes, qui sont le coeur de mon business.
Les collaborations, les articles invités, les conférences, et le bouche à oreille : voilà ce qui a construit ma liste, petit à petit, jour après jour.
J’ai aussi regardé s’il y avait des gens dont le business m’inspire et qui ne sont pas sur les réseaux : Alexandra Franzen, Leo Babauta de ZenHabits.
Je ne sais pas si ma cure de réseaux sociaux va durer pour toujours (j’ai le pressentiment que oui), en tous cas je suis ravie du challenge que ça présente : maintenant avec l’équipe, on va se creuser les méninges pour faire parler des Aventurières, plus se contenter d’un post sur Facebook ou de partager une photo teasing sur Instagram. Je suis ravie aussi de me reconcentrer à 100% sur ma newsletter, qui est remplie de gens géniaux, dont j’adore lire les mails.
Encore plus, je suis ravie car tout ce temps récupéré va me servir à créer plein de petits miracles.
Finalement, ça se résume à cette question : comment as-tu envie de passer ton temps ? Les réseaux sociaux, comme tout, peuvent t’apporter, mais ils demandent de l’investissement, du temps. Il y a un prix à payer, un apprentissage à faire. Et tout ce temps, je préfère l’utiliser à apprendre autre chose.
SOURCES :
The Phone People – Alexandra Franzen http://www.alexandrafranzen.com/2015/08/25/the-phone-people/
The problem with the whale photo – Paul Jarvis https://pjrvs.com/a/whale/
ZenHabits : https://zenhabits.net/ en particulier cet article « The destructive habit of evaluating everything we do https://zenhabits.net/evaluating/
Objectif digital detox, de Jessica Rolland https://www.amazon.fr/Objectif-Digital-Detox-d%C3%A9connecter-intelligemment/dp/2367780862
Merci pour cette love note… J’ai essayé les réseaux sociaux, une fois, plusieurs fois, différents réseaux… et toujours un sentiment de faux, de tricherie et que c’était un bel instrument de torture pour mon âme déjà anxieuse par nature !
Je me sens très proche de toi dans ce que tu décris et cela me remplis de gratitude. Merci et bonne journée à toi
Merci pour cet article, que j’avais loupé (mais la petite allusion dans ta love note sur le fait que tu n’avais plus Facebook a fait tilt): je suis sur le même chemin que toi, même si j’ai pour ma part décidé de faire la part des choses entre les réseaux/lieux que je conserve à titre d’utilisatrice, pour être informée/inspirée, mais sans objectif de com’ professionnelle (Twitter, Pinterest, et un peu Facebook, pour avoir qq nouvelles des amis) et ceux où je souhaite vraiment échanger et publier (Instagram, mon blog et ma newsletter) . J’ai aussi écrit sur cette décision > http://cousetteentrecopines.com/blog/2017/09/rentree-prendre-du-recul-pour-mieux-communiquer-online/
Wow ! He crois être tombé sur ton site il y a longtemps et en lisant cet article j’ai adoré… Tu as gagné une abonnée, j’adore ta façon d’écrire , et surtout de réfléchir sur ce sujet ! Je regardais sur internet les différentes personnes qui avaient décidé de se passer des réseaux et c’est pourquoi je suis tombé ici (heureusement) !
J’ai supprimé Facebook (je n’avais plus Snapchat et Twitter depuis très longtemps ) et wow… Premier sentiment ? On reprend sa vie en main. Bizarre hein ?
Coucou Sara ! Merci pour ton message 😀 De mon côté, j’ai réouvert ma page Facebook parce que c’est un espace où il est très naturel pour moi d’écrire et j’adore y faire des contenus, mais je n’ai plus touché à instagram et twitter. Je n’ai pas de « feed » sur facebook donc je n’y lis rien, et effectivement cet équilibre là me va bien.
Bienvenue ici