Comment réveiller ta mentore intérieure (et faire taire ce syndrome d’imposteure)

par | Déc 19, 2017 | Avancer malgré les obstacles | 2 commentaires

 

On est sagement comme des petits rangs d’oignons chevelus, une vingtaine de gamins minuscules et impressionnables. Et surtout tremblants et angoissés. C’est l’heure de la remise des copies, et notre institutrice – appelons la Mme Gerçante – adore ce moment.

Cette femme, qui avait sans aucun doute été élue « La plus susceptible de devenir une prof nazie » dans son IUFM, a une mine sèche, des cheveux impeccablement dressés, et un visage qui présente un risque 0 de voir des rides apparaître pour avoir trop souri.

Nous, les enfants, sommes chacun à notre table, et comme à chaque fois, on tremble. Mme Gerçante a développé une méthode de discipline par la terreur qui fonctionne extrêmement bien : 25 ans plus tard, je n’ai aucun souvenir joyeux de sa classe, uniquement des moments d’intense stress et d’une peur panique de provoquer sa colère.

Elle se lève et commence à distribuer les copies, bien entendu, par ordre décroissant, en annonçant les notes et les noms de chaque élève, avec lenteur. Elle savoure. Au moment où elle passe sous la barre du 10, on peut voir la posture des élèves qui n’ont pas encore eu leur copie s’affaisser légèrement. Elle a cette façon de graver l’échec en nous, de nous faire ressentir physiquement sa désapprobation.
Elle continue sur le même ton à distribuer chaque copie. Je suis toujours assise sur ma chaise, incrédule au fur et à mesure que les notes descendent. Son ton ne change pas. Dans ma tête toutes les explications s’enchaînent : qu’est-ce qui a bien pu se passer ? est-ce que j’ai mal lu les énoncés ? Où est-ce que j’ai pu me tromper à ce point ? Comment je vais expliquer ça à mes parents ? Est-ce que je suis si nulle ? Pourquoi je n’ai toujours pas ma copie ? Qu’est-ce qui se passe ?
L’angoisse me serre le ventre et remonte dans ma gorge. Moi qui ai toujours des notes impeccables, me voici brusquement propulsée avec les derniers de classe. Ceux qui galèrent. D’habitude j’ai ma copie tôt et je ne me préoccupe pas tant de ce qui leur arrive. C’est seulement ce jour là que je comprends à quel point ce système est rabaissant, humiliant, même si je n’ai pas encore le vocabulaire pour l’exprimer : on a seulement 6-7 ans. Le visage tordu et en larmes de ma voisine me fait remonter le stress d’un cran.
Madame Gerçante continue, sans montrer une once de compassion ou un commentaire encourageant pour qui que ce soit. Son visage a l’air de nous dire « Peu importe votre note, vous êtes tous nuls ». Comment peut-on développer une estime de soi saine quand on est torturé à ce point pour le moindre contrôle ?

Elle finit de distribuer les copies. Se rassoit.

A mon bureau, sans copie, je ne comprends pas. Je sens que le soulagement serait une erreur. Elle prend son temps, s’installe. Nous regarde. Sa petite classe de CE2 en plein choc post-traumatique, comme après chaque devoir.

« Celles et ceux qui n’ont pas reçu de copie peuvent venir chercher leur copie sur l’estrade. Zéro égal pas de nom ».

A ce stade mon angoisse a pétrifié toutes les larmes dans mon corps. Comme des pestiférés, avec les autres, je me lève, comme un zombie, chercher ma copie que je reconnais immédiatement. Elle ne nous regarde même pas. Elle sait exactement à qui appartient chaque copie. Mais elle préfère cet exercice humiliant.

Je reviens à ma place, incrédule, mes oreilles bourdonnent. Je suis obsédée par une seule pensée : comment je vais pouvoir annoncer ça à mes parents ?

On corrige « tous ensemble ». Je regarde mes larmes tomber sur ma feuille. Je n’ai pas une seule faute. Mais j’ai 0. Parce que je n’ai pas mis mon nom. Parce que je suis trop bête.
Je passe la journée à pleurer et à échaffauder des plans machiavéliques avec mes amies pour annoncer ça à mes parents. Il me semble que l’idée de la fugue est évoquée. Pourquoi pas se cacher quelques jours chez ma meilleure amie, le temps que la nouvelle soit digérée.

 

 

Je me souviens tellement bien de cette peur toute puissante, cette impression d’avoir commis une faute irréparable, cette soumission à un ordre stupide et indigne de l’éducation de jeunes enfants.

A ce stade, tu n’éprouves probablement aucune compassion pour Mme Gerçante (perso j’ai du mal). Tu te dis même peut être que c’est un scandale qu’une personne pareille ait été autorisée à enseigner.

Et si je te disais que souvent, tu te traites comme cette ignoble prof nous traitait ?
Combien de fois tu te parles comme si tu étais la dernière des connes et que tout ce que tu faisais n’avait aucune importance et était tellement mauvais que tu devrais avoir honte ?
Combien de fois tu te mets la misère parce que tu n’arrives pas à faire quelque chose assez bien, assez vite ?
Combien de fois tu te caches parce que tu as peur que les gens se rendent compte à quel point tu es nulle, pas prête, pas au niveau, pas montrable ?

Combien de fois dans ta vie, tu te mets des 0 sur 20, juste parce que c’est comme ça que tu as appris à te parler par défaut ?

Je le sais parce que je fais pareil : j’ai appris par défaut, à me parler très mal, et à me motiver en me rabaissant. J’avais même une peur inconsciente de me lâcher la grappe. Se satisfaire, c’est être fainéante et complaisante non ?

 

J’ai trouvé un super pouvoir pour contrer ça.

 

Il n’y a pas si longtemps, j’ai compris que la voix de mon syndrome de l’imposteure, c’est comme la voix de Mme Gerçante. Une voix nasale, sans sourire, qui n’a jamais rien à dire de positif sur quoi que ce soit.

Mon syndrome de l’imposteure, il me dit par moment que les autres font mieux. A d’autres moments il me dit que mes idées ne sont pas assez originales, que je ne bosse pas assez, que ce que je fais c’est que de l’improvisation. Il me dit que j’ai trop d’idées, que je trouverais jamais ce qui me va. Il parle tant que tu ne lui dis pas de se taire.

C’est un putain de rabat-joie nazi.

Sauf qu’il y a une autre voix qui existe en moi. Cette voix et douce, sage. Elle est toujours accessible et ravie qu’on la sollicite, mais elle ne s’impose pas. C’est pas le genre à crier super fort pour qu’on l’entende. C’est à toi d’aller la chercher.

Cette voix, celle de ta mentore intérieure (la mienne est une vieille femme genre Mamie Nova + Maya Angelou qui porte un nom très badass et secret), a toujours quelque chose d’encourageant, de positif et de sage à te dire.

Elle n’est pas pressée, elle n’est pas non plus complaisante. Elle sait te dire quand tu as merdé, mais avec beaucoup de douceur. Ok, ça c’était pas top, comment on fait pour changer ça ?

Elle pose des questions et elle écoute. Elle est profondément aimante. Elle veut que tu progresses et que tes talents sortent.

J’ai pris l’habitude de lui demander son avis à elle, plutôt qu’à la Gerçante. Elle est toujours dispo pour papoter, et je ressors toujours motivée et rassurée.

Pour activer ce super pouvoir en toi, il suffit de lui demander. D’aller chercher cette partie de toi bienveillante et débordante d’amour.

L.


PS : Avec le recul, je dois reconnaître à Mme Gerçant un grand sens du spectacle. Elle savait rendre le moindre petit contrôle dramatique et angoissant. Ç’aurait sans doute été mieux pour tout le monde qu’elle choisisse une carrière à écrire des Chair de Poule plutôt qu’à enseigner, mais bon, les hasards de la vie tout ça.

(pour l’anecdote, après tout ce stress improbable, mes parents n’en ont strictement eu rien à foutre de ce zéro, ils devaient très probablement penser qu’une prof nazie était déjà une source de stress bien assez grande pour une petite tête flippée comme la mienne).

Reçois les Love Notes : de l’amour et des histoires pour vivre une vie courageuse (inscription ci-dessous) 

Photo by Brooke Lark on Unsplash
Partage cet article à une Aventurière :

2 Commentaires

  1. Quelle nulle à ch*er ce prof! (pardon pour le langage!)
    Je suis désolée que tu ais eu une prof pareil, à 6/7 ans, ça doit traumatisé ^^’

    Réponse
  2. C’est incroyable comme ce que je lis est touchant… et vrai… oui, la mentore intérieure qui se fait désirer souvent

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Reçois ton guide "Libérez votre génie de l'Open Space"

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Reçois la série "Trouver la bonne idée"

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Effets secondaires notoires : tu vas parler de ce que tu fais avec une confiance inébranlable et attirer des clients parfaits.

En t'inscrivant, tu recevras également les Love Notes des Aventurières. 

You have Successfully Subscribed!

Recevoir les étapes clés du Plan de Conquête de l'Univers

You have Successfully Subscribed!

Recevoir les étapes clés du Plan de Conquête de l'Univers

You have Successfully Subscribed!