Tu t’es déjà demandée si cette recherche de vocation, de libération de génie et tout ça, c’était pas du flan ? La nouvelle pilule magique des New Age Baboss pour t’expliquer le sens de la vie dans un monde de burn out où le capitalisme montre ses limites ?
Je me suis beaucoup posée cette question. L’idée que le bonheur ne se cache pas « ailleurs » ni dans une autre personne, ni dans Cette histoire de « aime là où tu es au lieu de chercher la réponse ailleurs », elle me torturait quand je me sentais mal au boulot. Je me flagellais : pourquoi je n’arrive pas à me sentir bien là où je suis, est-ce que cette idée d’entrepreneuriat, c’est une fuite en avant ? Culpabilité + mal-être au boulot = journée très caca.
Il se trouve que je viens de passer une journée de stage de yoga à parler de ce que le yoga nous enseigne pour le reste de notre vie, et que ça m’a donné de nouveaux éclairages sur cette question.
Apprendre à aimer là où l’on est plutôt que de chercher à faire ce qu’on aime c’est chouette sur le papier, mais comme l’a justement dit l’une des participantes : « Et si on est pressée comme un citron toute la journée, on fait comment ? On reste là à souffrir et à essayer d’apprécier le moment? »
Bonne question… D’ailleurs quoi de plus agaçant que de voir débarquer quelqu’un qui n’essaie même pas d’écouter ta situation et qui te répond une vieille banalité qui sent l’encens bon marché en caressant sa statue de boudha achetée au MaxiBazar.
Alors quoi, on fait ce qu’on aime ou on aime ce qu’on fait ?
Sublimes contradictions
« C’est une contradiction nécessaire » dit la prof, « et il n’y a que toi qui puisse la résoudre ».
C’est toi la boussole. C’est toi qui sait si tu es dans la fuite en avant ou si tu es en train de te rapprocher de toi.
En fait, il y a plusieurs cas : il y a des situations qui sont tellement délétères et anxiogènes, que tu passes en mode self défense et évasion, et ces situations font que tu te coupes de toi. Pas facile d’être vulnérable et ouverte quand tu te fais matraquer de stress ou que tu es dans un environnement violent.
Pourtant, quand tu es accrochée à qui tu es, solide dans ce que tu apportes et ton estime de toi, tu poses des limites claires, et tu deviens capable de retrouver ta place et d’aimer là où tu es, peu importe les circonstances.
C’est une invitation à commencer par toi, et à avoir beaucoup d’indulgence avec soi. Parfois, il faut se prendre la même porte dans la gueule quelques fois avant de voir qu’il y avait une magnifique porte grande ouverte juste à côté, et qu’elle était là depuis le début.
« Mais c’est injuste »
Pendant notre atelier yoga, on a parlé de situations injustes : être victime d’un accident, tomber malade, rater un examen à cause d’une grève ou même d’une erreur dans la correction des copies, se retrouver dans une professionnelle qui dégénère : nouvelle-eau chef, nouvelle affectation, nouveau management…
Notre première réaction c’est « mais c’est complètement injuste ». On est très fâchée, on grogne on en parle à tout le monde, on recherche de l’empathie, on se remet le scénario en boucle « pourquoi moi »… et puis si on continue trop longtemps, on se sent comme ennoblie par cette erreur. On devient une personne bafouée. On porte notre statut de victime en étendard, et on reste bloquée là, au moment M, celui où tout a basculé. On connaît toutes des gens qui sont restés dans le passé. Des gens que l’injustice a arrêté en plein vol. Ils restent là en état stationnaire. C’est injuste alors tout s’arrête. La faute ne pourra pas être réparée alors la vie ne reprend pas. Ou pas vraiment.
Pour être claire, je ne parle pas des gens qui décident de donner un sens à leur vie sur la base de cet évènement : la personne qui a vécu un deuil et qui décide de monter une association pour accompagner les personnes en deuil n’est pas bloquée, elle a repris l’action mais elle a un regard différent sur ce qui est important pour elle. Je pense aux personnes qui ont été arrêtées net. Qui ont décidé que la fatalité les poursuivaient et qu’être victime d’injustice était leur identité principale.
Et c’est là que le yoga apporte une réponse un poil énervante, mais aussi très puissante : ce qui est est. C’est agaçant parce que déjà c’est évident, et en plus il y a deux fois le verbe être à la suite ce qui n’a aucun sens.
Mais c’est aussi fascinant parce que ça te dit : aujourd’hui, maintenant, chaque seconde est ton nouveau point de départ. Chaque moment qui passe, tu peux continuer à te prostrer dans l’injustice que tu a vécue, ou tu peux chercher les moyens d’en faire un point de départ.
Si on veut pousser plus loin, l’injustice est aussi aveugle dans un sens que dans l’autre. Tu as sans doute plusieurs fois échappé à des choses terribles : des accidents, des boulots ignobles, des relations calamiteuses… sans même le savoir. Pourtant tu ne définis pas ton identité sur le fait d’avoir eu un concours que tu ne méritais pas de gagner, ou
« Me faire virer a été le plus beau cadeau de ma carrière » parce qu’ils ont pu monter une boîte. J’ai rencontré une femme exceptionnelle, chef d’entreprise et philanthrope qui est passée par des expériences personnelles horribles, jusqu’à avoir envie d’en finir. Mais ces expériences ont aussi été le point de départ d’une vie indépendante, une vie beaucoup plus colorée et excitante, où elle est ce qu’elle veut être.
Toutes les réponses sont là
Finalement, les réponses sont toujours en nous (« comme la graine contient la plante en entier » nous dit la prof). Et la réponse vient de l’action. L’action de se recentrer sur soi. Être vulnérable et honnête : voilà ce que je ressens, voilà où je suis. Et partir de là. Partir de soi. En utilisant les outils de bienveillance, de compassion, de partage.
Ça demande de remettre en cause un cliché bien judéo-chrétien et punitif : on pense que la facilité, la bienveillance, le plaisir font le lit de l’inaction, du laxisme et de l’oisiveté. C’est tout le contraire. La facilité invite à l’action choisie, la bienveillance apprend à poser et respecter des limites, le plaisir motive et nourrit, alors que l’oisiveté enlise et afadit le repos.
Tout est en nous. Je crois fermement que si tu libères ton génie, tu peux le laisser s’exprimer partout, peu importe les circonstances. L’entrepreneuriat est l’une des voies pour explorer ça, et pour créer quelque chose qui te ressemble, mais ce n’est pas une fin en soi. Si une entreprise ferme, sa créatrice ne cesse pas d’exister, son génie ne s’éteint pas. Après une période nécessaire pour rebondir, notre génie continue à infuser ce que nous faisons.
Mais le comment n’est jamais le plus important.
Tu peux décider d’aimer l’endroit où tu te trouves, tout en agissant pour améliorer ta situation.
Tu peux reconnaître que tu te sens mal, et demander de l’aide pour te retrouver.
Tu peux être victime d’une injustice, et en faire le point de départ d’une histoire.
Tu peux agir, sans attendre de retours sur investissement.
Tu peux changer ton environnement pour mieux te retrouver.
Tu peux décider de faire ce que tu aimes et t’appliquer à aimer ce que tu fais.
Tu peux changer le monde, en changeant une seule personne : toi.
magnifique article, laure…
merci
adélaïde