Je te plante le décor, on est vendredi, il fait froid mais le soleil est venu nous faire un coucou lointain. On est à table autour d’un délicieux velouté de potimarron, Morgane et moi, et on parle du sentiment d’insatisfaction chronique.
Tu sais ce truc où tu ne t’autorises jamais à poser tes valises, parce qu’il y a toujours une autre destination, un nouvel objectif, une nouvelle chose à prouver, un nouveau défaut à corriger.
Tu as l’impression de « peler les couches d’un oignon » ou de « creuser » pour comprendre ce que tu veux et qui tu es plus en profondeur.
Et en même temps, une certaine fatigue s’installe. C’est pénible d’avoir l’impression de toujours recommencer. C’est grisant par moments (le début) et puis c’est fatigant quand tu te rends compte « ah ben non, c’est toujours pas ça, il y a encore quelque chose en dessous ».
Cette envie de trouver LA réponse, la solution magique qui répond à tout, LA voie, l’appel de ton âme, l’anneau pour les gouverner tous (et dans les ténèbres les lier, oui oui tout un programme), ça te rappelle pas quelque chose ?
Ça sent pas trop l’arnaque à base de perfectionnisme cette affaire ?
Je ne sais pas toi, mais moi, je ne suis pas un oignon. Et à force de creuser, la seule chose que je trouve c’est le fond d’un puits sans lumière. Et je me demande : « Euh mais qu’est-ce que je fous là déjà, j’étais partie chercher quoi moi ? Youhou, quelqu’un a vu la corde pour remonter, je l’ai lâchée en croyant apercevoir un truc brillant au fond ! »
Par contre, j’ai des envies multiples. Des passions multiples. De la curiosité à l’infini et des idées toutes les 2 minutes.
Mais par moments je me prends les pieds dans mes propres jambes. Je trébuche, je cherche quelque chose, j’ai une révélation, je recommence.
Ça fait ça pour les jobs, pour l’entreprise, pour le sport, pour les formations…
Et je me dis que tout ça est une question de point de vue, Morgane me dit « et si tu te disais que la base, tu l’as déjà, forcément, puisque c’est toi ? »
Alors, au lieu de passer du temps à creuser, je prendrai le temps de planter. J’aurais un jardin à l’anglaise, avec des plantes partout, luxuriant, riche. Ce serait même une jungle en friche par endroits, parce que j’ai besoin que des choses poussent toutes seules parfois, de les laisser pour voir ce que ça donne.
Alors, au lieu de chercher un trésor enfoui, je prendrai la mesure de tout ce que j’ai déjà fait pousser, et je profiterai de la vue.
Un jardin, c’est un univers infini à explorer et à remodeler en permanence.
Je t’invite à lâcher prise sur l’idée de cohérence, de mission, d’une bonne réponse, et à embrasser l’image, beaucoup plus reposante et fertile, d’un jardin, dans lequel tu fais pousser ce que tu veux, dans lequel certaines plantes disparaissent, fertilisant le sol pour que de nouvelles choses puissent pousser.
Pose ta pelle, on a un jardin à planter.
L.
Photo : Florian GIORGIO /Unsplash
Merci, magnifique, inspirant, magique. Je pose ma pelle !
Ahahaah Félicitations