« Au moment où la plupart des gens ont 14 ou 15 ans, ils ont été dépouillés de leurs amours, de leurs goûts premiers et intuitifs, un par un, jusqu’à atteindre la maturité où il ne reste aucun amusement, aucune excitation, aucun _gusto_, aucune saveur. Les autres ont critiqué, et ils se sont critiqués eux-mêmes jusqu’à avoir honte. »
Ray Bradbury Le zen dans l’art de l’écriture
Quand je dis que je veux être autrice Harlequin, j’ai le choix entre deux réactions :
– L’éclat de rire : aahahah quelle bonne blague
– L’éclat de rire moqueur ou condescendant : ahaha quel rêve ridicule
Moi-même, quand je l’explique, je m’entends dire « J’adore les histoires d’amour cucul », comme pour m’excuser d’avance de vouloir en écrire. Pour montrer à qui veut m’entendre que je sais que ces histoires sont nulles, ridicules et considérées comme de la sous-sous-littérature par la plupart des gens.
C’est la faute de goût, d’aimer les romans d’amour. En plus histoire d’aggraver mon cas, j’aime les dramas coréens, surtout les histoires romantiques, où les personnages font battre mon coeur à 220 juste en se prenant la main après 10 heures de tension et d’espoirs.
Tellement indigne d’une adulte mature.
Les adultes sont des gens modérés, ils ne sont pas censés avoir de passions intenses et encore moins d’obsessions. Ils sont censés acheter des appartements ou des maisons à crédit pour y faire des enfants. Les adultes ont des boulots qui ne les remplissent ni de sens ni d’enthousiasme, car ils ne sont là que pour remplir le frigo.
Les adultes ne vivent pas, ils « passent le temps ».
Une des règles de la vie d’adulte c’est : c’est pas cool d’être fan de quoi que ce soit. C’est plus l’heure. Leurs rêves sont enterrés sous des couches de honte et de responsabilités.
Je me demande si le cool tue.
Les règles du cool et de l’acceptable sont mouvantes. J’ai fait une grande école et j’ai été élevé dans une famille où l’on valorise beaucoup l’intellect. Parler 4 langues = cool
Faire de la musique = cool
Ecrire ou lire des romans à l’eau de rose = pas cool
J’ai aussi fait mes études dans une grande école où de nouvelles règles du cool se sont imposées :
Être politisée et connaître l’actualité = cool
Kiffer le foot = pas cool
Kiffer le foot parce que tu fais une analyse géopolitique du sport international et prépare un exposé sur la corruption au sein de la FIFA = cool
Selon les groupes des potes que tu as, les règles s’entassent, s’empilent :
Aimer la pop = cool ou pas cool ?
Aimer le rap = cool ou pas ?
Gagner plein de sous = cool ou pas ?
Petit à petit, la tyrannie du cool t’éloigne de ce que tu aimes. Je me souviens, ado, d’avoir vexé ma mère en demandant si le livre qu’elle lisait était ce qu’on appelait « un roman à de l’eau de rose ». Je ne savais pas que c’était la honte d’aimer ça, je voulais juste savoir ce que ça voulait dire. C’est la première fois que j’ai reçu le message : c’est pas cool d’aimer les histoires d’amour, c’est un truc que tu dois cacher. Des années plus tard, si on se disputait, elle me ressortais des trucs comme « Pas comme ta mère qui lit de stupides roman à l’eau de rose ».
La honte est une arme puissante.
Je ne rentre même pas dans la couche de domination sociale derrière tout ça, ou dans l’injustice que les romans romantiques, avec leur audience et autrices majoritairement féminines soient infiniment plus « honteux » et bas de gamme que leurs équivalents masculins les romans d’action, d’aventure et de super héros.
La honte apprise de ce que tu aimes spontanément est la façon la plus rapide de perdre le sens et le plaisir dans ta vie.
Remarque c’est pratique pour faire bosser les gens. Quand tu t’éclates aussi peu, t’as pas vraiment de points de repère alors t’es contente d’être occupée la plupart des heures de la journée.
Mais ça va au delà de tes goûts de lecture ou tes choix de destination de vacances. Quand tu laisses cette honte s’installer, elle s’infiltre dans tous tes choix.
Depuis 3 ans, j’ai honte du métier de coach.
Je ne peux même pas expliquer à quel moment j’ai intégré que coach c’était pas cool, mais j’avais des milliers de justifications : coach c’est pas un métier avec une vraie compétence, comme développeuse (pour info, c’est complètement faux, en plus d’être une excuse de merde), coach c’est ce que font les gens qui ne savent pas quoi faire de leur vie, en plus c’est naze, tout le monde veut être coach.
Parce que c’était pas cool, j’avais du mal à dépasser ça et à assumer ma posture. Je m’étais fermée une porte avant même d’aller voir ce qu’il y avait de l’autre côté.
Je me souviens encore de mon coach me disant « Tu sais, tous les talents que tu as, et les questions que tu poses, ce sont des qualités qui sont très utiles dans le coaching » et ma réaction « Non mais laisse tomber, je veux pas faire ça. ».
Le comble : la meuf qui va voir un coach, trouve ça hyper utile et génial, mais continue d’avoir honte à l’idée de faire ça.
Heureusement, la graine était plantée et petit à petit, en lisant des livres sur le coaching, en me renseignant sur le métier, je me suis rendue compte qu’il y avait un paquet de choses qui me plaisaient beaucoup là dedans.
J’ai ouvert la porte, timidement, pour voir ce qu’il y avait de l’autre côté.
J’adore écrire des histoires (fantastique et d’amour) et j’adore être coach. Et j’ai remarqué quelque chose de bizarre : depuis que j’assume et que j’en parle sans cacher mon enthousiasme, les gens ne rigolent plus. Ils me regardent et disent « Ouah, ça a l’air génial ». Depuis que je dis ça, j’ai plein de femmes qui viennent me demander de travailler avec moi.
Et je suis heureuse de leur dire oui, et que la honte n’ait pas gagné.
Je suis curieuse : qu’est-ce que tu adores mais qui te fait honte ?
L.
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Moi j’ai carrément hâte d’en lire tes harlequins !! Car j’aime ça !