Ce matin, en rangeant, je suis tombée sur des dinosaures en papier. Des essais et des notes que j’avais écrites en tant que stagiaire.
Ça m’a fait rire de relire ces pages, pleines d’assurance, d’opinions tranchées et de grands mots qui crient « Regarde moi, prends moi au sérieux parce que j’ai un AVIS ».
J’étais entraînée à avoir des avis sur tout. De préférence, des arguments, à coups de chiffres, et de soupirs entendus. Je m’y connais, et toi, pas. J’ai les chiffres donc mon avis est celui qui compte. Dans mon monde, ne pas avoir d’avis, c’était être faible, ou, pire, ignorante.
Dans le monde de l’entreprise, pareil. C’est celui-celle qui parle fort qui l’emporte. Celle qui regarde dans les yeux sans ciller. Celui qui ne cède pas. L’expert-e est payé-e pour avoir un avis.
La petite stagiaire Laure avait plein d’opinions parce qu’elle voulait avoir l’air de s’y connaître. Elle voulait que son maître de stage lui dise qu’elle était cool, à sa place. Qu’elle était intelligente.
« Dis moi que ce que je dis est vrai. Valide moi. Dis moi que je suis à ma place ».
Parce qu’au fond, elle doutait de tout ça.
Les opinions nous donnent un sentiment d’appartenance, on se tape sur les épaules et on reste dans sa Tribu : « Non mais t’as TROP raison ». Et si tu n’es pas d’accord, tu as le choix entre te sentir exclu-e ou garder ça pour toi.
Ça fait des discussions où l’envie d’avoir le dernier mot l’emporte sur le fait de créer du lien.
On n’est plus trop dans la communication, on est dans la démonstration, le concours d’éloquence à la limite. Mais de moi à toi, il ne se passe rien. Je suis là pour avoir raison. J’ai une opinion que j’ai passé du temps à me former. Elle est la vérité.
Ce matin, en parcourant mon fil Facebook, j’ai vu des explosions d’opinions et d’énervements dans tous les sens.
Je me souviens d’avoir lu en communication non violente : on ne s’intéresse pas à trouver qui a raison ou tort. Ça n’a aucune importance, puisque de toutes façons tout le monde pense avoir raison et agit de la façon qui lui semble la plus juste et la plus appropriée. C’est d’ailleurs comme ça qu’on arrive au conflit. Je me disais « mais non, c’est inadmissible, il y a quand même des choses qui ne se font pas ».
Puis j’ai compris. Quand on n’a pas d’avis, on a de l’empathie, on a des questions, surtout, on a de la place pour les réponses. Quand on n’a pas d’avis, on est dans une zone de vulnérabilité et de connexion.
Et c’est dur, tellement difficile, surtout sur les sujets qui nous tiennent à coeur. On n’a pas envie d’écouter ce qu’il y a en face. On en a marre d’écouter la même chose. On ferme la porte. On commence à communiquer à sens unique, pour soi, pour les sien-nes.
Alors toi, qui a envie de te taire, qui penses que tu n’as rien à dire, ou même que tu es nulle ou trop influençable. Ton absence d’avis est peut-être la porte pour une vraie conversation.
Je repense à cette petite Laure, stagiaire, à ses notes pleines d’envie d’être reconnue et ses avis bien tranchés.
J’ai envie de lui dire
« Ne sois pas si pressée d’avoir raison. Tu n’as pas à avoir un avis sur tout. »
L.
Jeudi 15 février à 12h, live sur cette page sur le thème « Help, je n’ai rien à dire ».
Et toujours, les Love Notes des Aventurières. Le monde a besoin de ta Voix. www.lesaventurieres.com/love-notes.
Photo de NeONBRAND / Unsplash
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