Un silence étouffe la voix des femmes.
Chaque fois que tu te tais plutôt que de dire ce que tu as à dire.
Chaque fois que le doute s’immisce « est-ce que c’est vraiment intéressant ? » et que tu choisis de te taire.
Chaque fois que tu penses : « Je n’ai rien à dire », et que tu y crois.
Prendre la parole en public est un acte courageux et vulnérable. C’est une habitude que peu de femmes ont pu développer.
Nos voix sont absentes, nos paroles interrompues, nos pensées se transmettent en catimini.
Nous sommes celles à qui on apprend les silences convenus et la politesse à tout prix. Les reines des coulisses. Les oubliées de l’Histoire.
Stop.
Prenons un exemple d’une femme plutôt inspirante sauce extrêmement cool : Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix et activiste pour la paix au Liberia. Elle a écrit une autobiographie (que je te recommande chaudement) « Notre force est infinie ».
Dans l’introduction, elle explique que les histoires de guerre sont toujours les mêmes, qu’elles sont toujours racontées de la même façon. Que l’histoire qu’elle écrit est celle qu’on n’entend jamais :
« Je ne l’avais jamais entendue auparavant, parce que c’est une histoire de femme africaine et que nos histoires sont rarement contées »
Les Aventurières sont nées de ma curiosité insatiable et d’une grande frustration : je voulais entendre plus d’histoires de femmes.
Je ne suis jamais montée sur scène avec facilité. J’aime ça, mais c’est toujours une source de stress assez intense. Je me prépare beaucoup, parce que je veux que mon propos soit clair et qu’on se souvienne de ce que je vais dire. Je prends des jours, parfois des semaines à mettre au point mes interventions en conférence. Et c’est un exercice que j’adore, parce qu’il est exigeant et me demande un effort très différent de ce que je fais pour écrire des articles.
Voici quelques conseils d’Aventurière froussarde pour prendre la parole en public :
– Tout le monde a la trouille.
Je ne sais plus où j’ai lu que la peur de parler en public était la plus grosse peur des humains après la peur de mourir. Je ne suis pas sûre qu’une belle étude scientifique appuie cette affirmation, mais tu peux partir du principe que c’est une peur extrêmement partagée. Même si tu trembles, dis toi que ton voisin tremble aussi, et lance-toi
– Commence petit : habitue toi à poser des questions
L’un des premiers verrous à faire sauter, c’est cette illusion de « je n’ai rien d’intéressant à dire ». Commence par t’habituer à intervenir et à poser des questions en réunion, en conférence, en groupe… tout le temps.
D’abord, ton écoute sera plus active si tu te dis « à la fin, quoi qu’il arrive, je pose une question »
– Base toi sur ce qui a été dit
Si tu as peur de ne pas être originale, ne le sois pas. Reprends la question qui a déjà été posée avant toi et répète là, puis ajoute quelque chose à toi, ou simplement dis « Je trouve que cette question était très importante, et j’aimerais aussi avoir votre avis là dessus » (crois-moi, sans t’en rendre compte, tu ajouteras quelque chose et ça viendra tout seul)
– Parle en premier dès que tu peux
Quand j’ai commencé à intervenir, pour poser des questions ou en conférence, j’ai pris le réflexe de toujours essayer de passer en première. D’abord, tu es sûre de passer, ensuite, ça laisse moins de temps à ton stress pour monter.
– Si on t’interrompt, reprends la parole en disant « Je souhaite aller au bout de ma pensée, ensuite vous pourrez rebondir »
Les femmes ont un lourd poids à porter : nous sommes infiniment plus souvent interrompues (par des hommes et d’autres femmes) que les hommes. Si tu veux te faire du mal
– N’interromps pas les autres
A nous de commencer par ne pas nous interrompre
– Indigne-toi.
Si tu veux te faire du mal, compte dans une conférence quel pourcentage de femmes présentes interviennent par rapport au pourcentage d’hommes. Il m’est arrivé de me trouver dans des réunions où il y a un seul homme pour 40 femmes, sur un sujet comme l’avortement, et l’homme présent intervient, alors que la plupart des femmes repartiront sans qu’on ait entendu le son de leur voix.
Le problème ce n’est pas que cet homme intervienne, c’est que les femmes ne se trouvent jamais assez légitimes ou ne s’autorisent pas à le faire.
– C’est une question d’habitude : la première fois est toujours la plus flippante
Comme tout, intervenir en public s’apprend et s’apprivoise. La première fois c’est les sueurs froides, les fois suivantes ça se calme, et petit à petit tu découvres qu’il est très agréable de participer à des évènements en étant active, et pas juste une ombre qui attend sagement l’heure des petits fours au 4è rang en partant de la fin.
Quand j’organisais les soirées « J’aime le vin j’aime pas mon job », il y avait une tradition : tout le monde devait poser une question. Chaque personne de la salle qui assistais à l’évènement posait sa question. Je refusais de laisser partir une seule personne sans avoir entendu le son de sa voix et son intervention.
Systématiquement, les personnes les plus timides se recroquevillaient un peu. Elles tordaient nerveusement un papier dans leurs mains. Elles finissaient par poser leur question d’une toute petite voix, s’excusant d’avance et finissant presque comme une supplique « pardon d’avoir osé, on m’a obligée ».
Et systématiquement, les questions étaient passionnantes. Je me disais : « Si on n’avait pas fait le tour de table obligatoire, on n’aurait jamais eu cette question ».
Ce que tu ne dis pas, personne ne le dira.
L.
Photo Oscar Keys / Unsplash
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