Hier soir je me suis endormie en lisant les histoires des femmes de Culottées (tome 2) : une vulcanologue passionnée, une actrice inventeuse de génie qu’on n’a pas prise au sérieux parce qu’elle était trop belle, . Des Aventurières qui sont arrivées avant nous.
Et je me suis sentie habitée par elles. J’ai eu une conscience encore plus précise de notre histoire collective : je suis une femme qui descend de générations de femmes qui n’ont pas été libres. Qu’on a tenté de soumettre, de museler, de cantonner à des rôles les plus étroits possibles. Quand ça n’a plus été possible par la force, ça s’est fait par la peur : la peur de ne pas être assez (belle, mince, intelligente, modeste, maternelle, tenace, …) qui met nos génies sous tutelle. Tu pourras être géniale quand tu seras belle. Tu pourras t’exprimer en public quand tu seras mince. Tu seras légitime quand tu seras mariée.
Nous descendons de femmes qui ont été enfermées. Et je ne veux plus de cages. Plus de cases.
Je me souviens clairement du moment où j’étais perdue, je voulais quitter mon travail mais je n’avais aucune Vocation. Une seule chose résonnait à mes oreilles : je veux la liberté. Je ne veux plus que quelqu’un me dise à quelle heure je dois faire mon travail, et me juge si je finis plus vite, ou pas assez vite. Je ne veux plus avoir à être dans une salle de réunion à rire à des blagues pas drôles pour donner l’impression de rentrer dans le moule. Je ne veux plus qu’on me parle comme à un enfant quand le sujet devient technique parce qu’on part du principe que je ne comprends pas, encore moins qu’on soit ‘agréablement surpris’ quand je comprends.
Plus tard, en tant qu’entrepreneure, j’ai compris que les murs à pousser pour la liberté étaient nombreux : il y a des ‘bonnes’ façons d’entreprendre. Il ‘faut’ travailler d’arrache-pied. C’est ‘mal’ de vouloir gagner trop d’argent. Le business et les sentiments ne font pas bon ménage.
Je ne suis d’accord avec aucun de ces principes. Je veux définir ma façon de réussir et d’entreprendre et je veux t’aider à faire de même. Nous ne quitterons pas les cages pour rentrer dans des cases. Mon métier n’a pas de nom, et le tien non plus.
Le génie de générations de femmes bout dans nos bras, dans nos têtes, dans nos corps. Ce génie n’a pas de nom, il a nos noms. Il n’a pas de carte de visite, il s’étend aussi loin qu’on le laisse s’étendre.
Quand j’entends cette phrase « c’est un milieu de filles », souvent accompagnée d’explication de texte : « ça se chamaille, ça se tire dans les pattes », je sens cette liberté accumulée et refusée qui tape dans mes veines. Nous ne somme pas un ÇA, nous sommes un tout.
Nous sommes ces filles du « milieu de filles ». Je ne serai pas jalouse parce que chaque femme qui réussit ouvre la voie aux autres. La compétition est un jeu auquel tout le monde perd. Je ne joue pas. Je veux célébrer et libérer le génie de toutes les femmes dans leur diversité.
Nous sommes ces femmes, nous décidons ce qu’est un « milieu de femmes ». Je parle d’expérience, j’ai créé une entreprise qui rassemble plus de 2500 femmes. Voilà ce qu’est le milieu de femmes dans lequel j’évolue : un milieu créatif, bouillonnant, explosif et dynamique, où la résilience, la compassion et les sentiments ont leur place. Où l’on veut réussir pour faire avancer les choses, pas juste pour faire avancer sa pomme. Un milieu où on s’écoute, on se soutient, où on réinvente le champ des possibles, puisque rien n’a été possible pour nous pendant si longtemps.
Un milieu qui déborde d’opportunités et de génies qui s’ignorent. Un milieu qui rejette le modèle « sois belle et tais toi ». Un milieu de bonnes élèves qui ont déchiré leurs cahiers de notes pour aller dessiner sur les murs et ouvrir les fenêtres aux générations suivantes.
Je vois des femmes qui se préoccupent des autres dans leur définition du succès. Qui pensent que la tendresse et le plaisir sont de bien meilleurs guides que le profit à tout prix et les échelles imaginaires. Qu’on peut réussir ensemble, plutôt qu’écraser les autres. Qu’on peut réussir sur tous les plans, sans être dans le sacrifice.
Des femmes qui sortent des cases, mi terrifiées mi exaltées par ce qu’elles sont en train de faire.
Notre force est infinie c’est le titre de l’autobiographie de Leymah Gbowee, prix Nobel de la Paix. Elle y raconte comment les femmes ont arrêté une guerre sordide de façon pacifique. En s’asseyant. En refusant. En sortant des cadres dans lesquels ont les avait mises.
Un milieu de femmes, c’est un milieu d’une force infinie.
Imagine ce qui se passe quand tu laisses ton génie briller ? Quand tu refuses de croire que tu es moins ou pas assez, et que tu décides de te montrer au monde ? Quand tu décides de prendre ton succès et celui des autres au sérieux ? Tu deviens une source d’inspiration et de lumière pour celles d’après. Et je veux être là pour voir ça.
Juste pour te dire que ton article me parle tellement ! Les principes et a priori sur les femmes me révoltent, l’impression d’être enfermée dans une cage encore plus qu’un homme m’est si familière. Et cette vraie force que nous avons derrière. En vrai.
Bref, merci pour ces mots 🙂 (je ne sais pas si les miens sont clairs la journée a été longue mais l’intention est là !)
Merci Cécile ! A nous, le monde 🙂
Merci Laure pour ce joli article. J’ai longtemps cru préférer les milieux d’hommes. Petite, garçon manqué, attirée par l’action et l’aventure, j’étais entourée de copains. Je ne voulais pas être « une petite fille », enfin comme l’inconscient collectif l’avait défini. Non merci, pas de rose, pas de princesse et non, je ne serai pas calme, désolée. D’ailleurs, je me rappelle avoir été choquée, enfant, par ces caricatures de filles dans les dessins animés dans lesquelles je ne me reconnaissais pas : bien propres sur elles, effacées, dociles voire naïves, toujours prêtes à se sacrifier pour autrui. Pendant ce temps-là, les hommes sauvaient le monde. Moi j’avais les genoux écorchés et je voulais être un héros ! Puis, j’ai travaillé dans l’industrie, où les femmes se comptaient sur les doigts de la main. A la maison, avec mon mari et mes deux garçons, je suis la seule femme. Bref, partout autour de moi, ça fleurait bon la testostérone ! ???? Mais aujourd’hui, j’ai changé de vie au niveau pro et je rencontre davantage de femmes. Quelle chance ! Je découvre des femmes exceptionnelles qui ont su se construire loin des clichés, des femmes libres sur lesquelles on n’a pu coller aucune étiquette, des femmes qui osent être ce qu’elles sont vraiment et non ce qu’on attend d’elles, des femmes qui affirment leur vraie nature. Alors merci Laure, par ton action, de contribuer à aider de femmes à se libérer pour resplendir dans toute leur force et leur beauté. Avec plein d’initiatives comme ça, on va construire un joli monde !